Le groupe armé Mouvement du 23 mars (M23), qui combat le gouvernement de République démocratique du Congo (RDC) dans l’est du pays, s’est emparé de la localité de Walikale, nœud routier proche d’importants gisements d’or et d’étain, ont fait savoir, jeudi 20 mars, des sources sécuritaires et locales.
Le M23 a pris Walikale mercredi soir, après une après-midi de combats, selon des habitants joints jeudi par l’Agence France-Presse (AFP). C’est la première fois que le groupe armé, depuis son apparition en 2012, avance aussi loin vers l’ouest à l’intérieur du pays.
La veille, lors d’une rencontre surprise à Doha des présidents de la RDC, Félix Tshisekedi, et du Rwanda, Paul Kagame, accusé de soutenir le M23 avec son armée, un cessez-le-feu aux contours encore flous avait pourtant été évoqué.
Une base de MSF « prise dans des tirs croisés »
« Walikale-centre est occupé par le M23, arrivé hier vers 18 heures. Nous nous sommes retirés pour éviter des pertes humaines », a déclaré jeudi à l’AFP un officier des forces armées congolaises (FARDC). « Walikale est occupé depuis hier par le M23 », a confirmé une source sécuritaire, évoquant des combats jeudi à Mubi, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest.
Les combattants du M23 « sont dans les quartiers de Walikale », a également fait savoir jeudi matin Fiston Misona, représentant de la société civile locale. Un habitant ayant requis l’anonymat a rapporté voir jeudi des combattants du groupe armé « à travers les fenêtres » de sa maison.
Une base de l’ONG Médecins sans frontières (MSF) a été « prise dans des tirs croisés » pendant les combats, sans toutefois faire de blessés, selon le responsable local, Marco Doneda. « Les équipes [de] MSF s’inquiètent de l’afflux des blessés dans les prochains jours et [et les prochaines] heures », a-t-il poursuivi.
L’avancée du M23 vers Walikale, chef-lieu du territoire du même nom, avait conduit, le 14 mars, la société Alphamin à évacuer son personnel et à stopper les opérations de sa mine de cassitérite (minerai d’étain) de Bisie. Cette mine, la troisième au monde en termes de production d’étain, est située à une cinquantaine de kilomètres à vol d’oiseau de Walikale, dans la province du Nord-Kivu. La prise de Walikale, proche également de plusieurs gisements d’or, semble éloigner la perspective d’une reprise rapide de l’extraction à Bisie.
Offensive d’envergure
Localité de 60 000 habitants, Walikale est située à la jonction entre deux axes routiers venant l’un de Goma et l’autre de Bukavu, à équidistance – environ 230 kilomètres – par la route. Ces chefs-lieux respectivement des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ont été pris au cours des dernières semaines par le M23 à la faveur d’une offensive d’envergure.
Soutenu, selon des experts de l’ONU, par des troupes rwandaises, le M23, qui affirme se battre pour défendre les intérêts des populations tutsi de l’est de la RDC, a repris les armes en 2021 contre le gouvernement de Kinshasa. Il s’est emparé depuis de vastes pans de territoires dans les provinces minières du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Il a notamment pris le contrôle de la mine de Rubaya, dans le Nord-Kivu, en avril 2024. Il s’agit de la plus grande mine de coltan de RDC, un minerai crucial dans la fabrication des produits électronique modernes.
Mardi, à l’issue d’une rencontre sous médiation qatarie à Doha, les présidents Tshisekedi et Kagame ont, selon un communiqué conjoint diffusé par le Qatar, « réaffirmé leur engagement » à « un cessez-le-feu immédiat et sans condition », négocié mais jusqu’ici jamais mis en pratique, lors d’un sommet conjoint de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC) et de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), début février.
En outre, de premières négociations directes entre Kinshasa et le M23 depuis 2021, prévues mardi à Luanda par le président angolais, Joao Lourenço, médiateur de l’UA dans le conflit, n’ont finalement pas eu lieu.
La veille de la réunion, le M23 avait annoncé ne pas y prendre part et avait accusé sans la citer l’Union européenne, qui a prononcé lundi de nouvelles sanctions contre certains dirigeants du groupe armé, de « saboter les efforts de paix ».
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